Bel au Bois Dormant

Il était une fois…

En tout cas, ça n’est pas arrivé deux fois ! Des histoires pareilles, ça n’arrive qu’une fois, heureusement. C’était il y a un certain temps, dans un endroit qui a vu se produire tellement d’événements improbables que seuls les chats  peuvent s’y rendre.

Donc, il était une fois, quelque part Ailleurs, un jeune roi qui se morfondait dans son palais. Son père, le vieux roi, avait été tellement infect avec ses voisins (conquêtes, sièges, batailles, otages et trahisons, toute une – autre – histoire) qu’il s’était attiré une malédiction de la plus belle qualité : pas d’armée pendant 100 ans dans le royaume ! Résultat, tous les soldats s’étaient assoupis sur place et tous ceux qui touchaient une arme de guerre subissaient le même sort. Continue reading « Bel au Bois Dormant »

Thaumaturge

Anne posa ses mains sur l’enfant devant elle. Celui-ci était particulièrement laid, le visage déformé par l’infirmité qui lui tordait le cou. La mère se tenait tout près, récitant son chapelet à mi-voix, accompagnée par le prêtre.

Anne ferma les yeux et se mit au travail. L’enfant gémissait, la douleur était forte sans doute, malgré la souplesse de ses articulations encore tendres. Il s’y était certainement habitué et cela la mettait en colère, l’accoutumance qui s’installait et la douleur qui augmentait toujours. Continue reading « Thaumaturge »

Super

La grande roue ne s’arrêtait jamais, tournant sans trêve pour alimenter l’Asie en électricité. Sa silhouette massive dominait la ville et servait de point de repère à plusieurs de dizaines de kilomètres alentour.

– Laisse le tranquille Louis !

– Hé Super ! Retourne faire le hamster !

– Arrête Louis, maman dit que Super est une personne, il a des sentiments aussi.

– Il est même pas humain et de toutes façons ta mère croit que son chat a des sentiments !

La bande de gamins se mit à rire méchamment et à lancer des insultes salaces. Continue reading « Super »

Le Livre !

On l’a fait 😊

Vous pouvez d’ores et déjà commander votre exemplaire de Double vue, recueil de picoNouvelles et de dessins, réalisé en duo par Sabachan et moi-même. Certains ont été publiés ici et tagués « atelier des musées » mais vous y trouverez aussi des textes et des dessins exclusifs.

Double-vue, 90 pages exceptionnelles inspirées d’œuvres d’art, disponible format poche directement auprès des auteurs, Sébastien Guido et moi-même, ou en vente sur le site blurb aux formats poche, broché et électronique !

Recueil de nouvelles et d’illustrations dessinées au stylo, « Double vue » s’inspire d’œuvres d’art classiques. Fantastiques, introspectives, légères ou passionnées, ces picoNouvelles – ou très petites histoires – vous emmènent au musée et bien au-delà. Suivez le guide !

Double vue est auto-édité, il est donc également auto-diffusé.

Aidez-nous à le faire connaître en en parlant autour de vous et en diffusant l’info sur vos réseaux sociaux. Merci ! Continue reading « Le Livre ! »

Le crâne de Newton

― Bonjour monsieur l’agent, c’est pour vous dire qu’hier, je suis allé cueillir des pommes.
― D’accord.
― Moi je voulais pas venir mais ma femme m’a dit qu’il fallait que je vous en parle.
― De quoi, des pommes ?
― Oui, c’est dans la rue Newton, il y a un pommier dans le terrain vague et des fois je vais cueillir des pommes.
― Vous avez fait une tarte ?
― Non, mais j’ai trouvé un crâne.
― Ah bon ? D’accord. C’est quoi comme crâne, un chien ?
― Non non, un homme.
― Ah ouais ? Tu me fais marcher, c’est ça ?
― Non, je vous jure. Un crâne là, près du pommier.
― Dans la rue Newton. Tu te paie ma pomme.
― Mais non je vous dis, vous n’avez qu’à venir voir avec moi, je vous montre où c’est.
Pimpon pimpon, ils y vont. Sous un pommier, dans la rue Newton…

― Paul Newton ?
― Mais non andouille, Isaac !
― Ben j’en sais rien moi !
― … de toute évidence…

Continue reading « Le crâne de Newton »

Être ou ne pas être

This entry is part 5 of 5 in the series Aleph

Je m’aventurais dans une partie de la maison où je n’étais jamais entrée auparavant. Aleph m’avait mise en garde avec force contre les dangers d’ouvrir des portes sans savoir où j’allais. Pour certaines littéralement : j’avais un jour passé un seuil en rêvant les yeux ouverts à une amie d’enfance et je m’étais retrouvée dans son ancienne chambre, dans la maison de sa jeunesse qui était à présent occupée par une famille inconnue. Je n’avais échappé à une arrestation pour cambriolage que grâce à l’arrivée opportune d’Aleph. Depuis, je n’arpentais les lieux qu’avec la plus grande prudence et en suivant scrupuleusement ses instructions.
Malgré toutes mes précautions cependant, il semblait que je m’étais perdue. Je me trouvais en haut d’un escalier de bois sombre, fleurant bon la cire fraîche. Je consultais nerveusement le papier où j’avais noté la route à suivre. A droite après le patio météo, tout droit dans la coursive ondulée. A midi, passer la porte bleue puis traverser le hall.
Le patio, la coursive, la porte bleue, j’avais tout bon. Seulement voilà, derrière la porte bleue, pas de hall mais un escalier. Une minute, midi, midi… J’avais entendu midi sonner en traversant le patio. Si Aleph avait dit midi, ça devait être important. J’avais franchi la porte plus tard, ce n’était peut-être pas la bonne. Pas le bon moment. Pas la bonne porte. Continue reading « Être ou ne pas être »

Georges et le dragon

This entry is part 4 of 5 in the series Aleph

Je suis Aleph en silence. J’ignore où nous sommes, ou quand. Nous sommes là pour étudier m’a-t-elle dit et refuse obstinément d’ajouter aucun détail. Nous avons laissé derrière nous stylos et téléphones et jusqu’à nos sous-vêtements, anachroniques. Je pensais regretter le confort des vêtements modernes mais ma tenue est plutôt pratique. Enfin tant que je n’ai pas besoin de courir.

Aleph m’a jeté un sort pendant qu’elle pensait que je ne regardais pas. Je ne regardais pas mais mon acuité magique s’est beaucoup développée depuis le début de mon apprentissage et j’ai senti le sort se déployer, effleurer ma tête et picoter ma langue. Lorsqu’il s’est enraciné, mon bouillonnement mental s’est apaisé. Elle s’est assurée que je ne parlerai pas à tort et à travers comme cela m’arrive souvent. Bien, bonne idée. J’étudie la structure du sort pendant que nous marchons : si je pouvais le lancer moi-même, je m’épargnerai bien des problèmes…

Absorbée par le sort, je percute brutalement Aleph qui s’est arrêtée et nous tombons dans la poussière du chemin. Je suis encore en train d’essayer de démêler mes jupons lorsque la raison de son arrêt apparaît, habillée d’armures de cuir menaçantes et armée d’acier, sur le dos d’une paire de chevaux. Continue reading « Georges et le dragon »

Les collines

This entry is part 3 of 5 in the series Aleph

Le miroir bombé faisait onduler la vision. Les collines, que je savais pentues, devinrent des miches voluptueuses, couvertes de velours vert vif, foncèrent et virèrent au mordoré. Puis les boules de coton vertes des arbres explosèrent et laissèrent place à des squelettes sombres qui se détachaient sur la neige fraîche. D’activités humaines, pas de traces, que la pousse accélérée du blé et la trace persistante des chemins.

Aleph continuait son hallucinante danse digitale, cherchant dans le temps un repère imperceptible. L’image fluide, vivante, ralentit, perdant de sa luminosité. Les doigts se stabilisèrent à un rythme perceptible et se figèrent, tordus dans une pose impossible. Continue reading « Les collines »

Le lac de Stymphale

This entry is part 2 of 2 in the series Héraclès

– Ne t’éloignes pas trop !

Sotto vocce – Je ne sais pas pourquoi je m’égosille, ce gosse ne m’écoute jamais !

– Télèphe ! Reviens ici tout de suite ! Si tu ne reviens pas à trois, je le dirai à ta mère ! TELEPHE ! UN !… DEUX !… TR…

Dans un grand éclat de rire insouciant, Télèphe est enlevé dans les airs par Stymphalos, l’oiseau au plumage d’airain.

– Stymphy ! Repose-le tout de suite ! Stymphy je rigole pas, si tu tiens à tes plumes, tu le reposes MAINTENANT !

L’oiseau jeta un cri railleur, tournoyant hors de portée d’Héraclès impuissant.

– Très bien, je vais demander à Mégara de faire de la poule au pot !

Stymphalos l’ignore superbement et Télèphe glousse de joie. Excédé, Héraclès bande son arc et fait mine de tirer. L’oiseau, feignant la terreur lâche l’enfant dans le lac. Télèphe émerge en crachotant et patauge dans l’eau peu profonde, tendant ses petits bras vers le ciel, plein d’espoir. Continue reading « Le lac de Stymphale »