Fragments d’un discours polyamoureux

Je n’ai pas l’habitude de critiquer vertement mais cet ouvrage est un tel abîme de nullité que je ne peux décemment pas vous encourager à le lire, fut-ce par mon silence. Je vous propose de commencer par lire ensemble la présentation de l’éditeur :

Comment déjouer les échecs de la vie conjugale ? Comment faire de la vie de couple une relation harmonieuse et durable ? Un témoignage qui propose une nouvelle façon de vivre les échanges amoureux.
Face à l’échec du mariage, il est temps de réfléchir à de nouvelles façons de vivre le couple.
En plein essor en France et en Europe, le polyamour peut être une solution.
Le polyamour n’est ni libertinage, ni aventure d’un soir : c’est l’art d’aimer plusieurs personnes à la fois, de manière libre, respectueuse et assumée.
Comment sait-on que l’on est polyamoureux ?
Quand et comment le devient-on ?
Comment fait-on pour gérer la jalousie entre les partenaires ?
Autant de questions que la sexologue Magali Croset-Calisto aborde à travers un témoignage de vie moderne et audacieux construit tant à partir de son vécu de femme que de son expertise en cabinet de consultations. Car quoi de mieux que l’expérience personnelle et l’approche professionnelle d’une sexologue pour évoquer en toute intimité les différents enjeux de l’amour et de la sexualité dans notre société ?

Ça, c’est ce qu’on essaie de nous vendre. Je l’ai lu tout en entier, avec beaucoup de difficulté et une impatience croissante. Continue reading « Fragments d’un discours polyamoureux »

La chose publique

J’étais en train de regarder un film l’autre jour, quand l’un des protagonistes a envoyé une réplique cinglante à l’autre, laissant entendre que faire de la politique signifiait prendre des décisions difficiles, des décisions qui changent la vie des gens ou qui peuvent la leur ôter. Le message étant que prendre ces décisions n’est pas pour les petites natures, non non, ce fardeau est celui d’une élite qui sacrifie son bien-être et sa tranquillité d’esprit pour que le peuple soit sauvé sans avoir à s’inquiéter de rien. Continue reading « La chose publique »

Le cerveau des huîtres

Charles Bonnet ― L’âme humaine placée dans le cerveau de l’huître, y acquerrait-elle jamais des notions de morale et de métaphysique?

Sans doute tiré de son Essai analytique sur les facultés de l’âme, disponible en ligne

Je dirai même plus, les huîtres à deux pattes, qui ont déjà de toute évidence subi une métempsychose avancée, sont-elles capables de réflexion autre que celle qui se pratique dans l’eau de leurs perles ? Je vous laisse méditer…

Le lac de Stymphale

This entry is part 2 of 2 in the series Héraclès

– Ne t’éloignes pas trop !

Sotto vocce – Je ne sais pas pourquoi je m’égosille, ce gosse ne m’écoute jamais !

– Télèphe ! Reviens ici tout de suite ! Si tu ne reviens pas à trois, je le dirai à ta mère ! TELEPHE ! UN !… DEUX !… TR…

Dans un grand éclat de rire insouciant, Télèphe est enlevé dans les airs par Stymphalos, l’oiseau au plumage d’airain.

– Stymphy ! Repose-le tout de suite ! Stymphy je rigole pas, si tu tiens à tes plumes, tu le reposes MAINTENANT !

L’oiseau jeta un cri railleur, tournoyant hors de portée d’Héraclès impuissant.

– Très bien, je vais demander à Mégara de faire de la poule au pot !

Stymphalos l’ignore superbement et Télèphe glousse de joie. Excédé, Héraclès bande son arc et fait mine de tirer. L’oiseau, feignant la terreur lâche l’enfant dans le lac. Télèphe émerge en crachotant et patauge dans l’eau peu profonde, tendant ses petits bras vers le ciel, plein d’espoir. Continue reading « Le lac de Stymphale »

Les grumeaux

Je vous avais dit de ne pas désespérer ! J’avoue cependant que je suis la première surprise par la rapidité de la relève huîtrière.

Je vous présente donc la pinctada whiskyi ! Je vous laisse tirer les conclusions qui vous chantent de son doux nom de baptême et juger sur pièces…

MOI – J’achète jamais de pâte à tarte toute prête, j’ai une super recette qui se prépare en deux minutes.

P. WHISKYI – Ah bon ? Comment tu fais ?

MOI – Tu mets tes ingrédients dans un tupperware, la farine, l’huile, l’eau, tu fermes bien et tu secoues.

P. WHISKYI – Ah ouais ! Mais ça fait pas des grumeaux ?

Heu, ben, hein ? Ah ouais, les grumeaux de la pâte à tarte ! Ouais, t’as raison, faut s’en méfier, c’est traître ces machins là… Surtout après, quand ça cuit, ça durcit, tu risques de te péter une dent. Les gens croient qu’ils ont oublié de dénoyauter les fruits alors qu’en fait ils ont laissé des grumeaux dans la pâte à tarte ces andouilles. Nan, t’as raison de faire gaffe !

Pour ceux qu’ont même pas peur des grumeaux, ma recette, c’est celle-là 😉


Source Wikipedia : Lésions cérébrales. Une consommation excessive d’alcool, même de manière occasionnelle, entraîne des lésions irréversibles au cerveau.

Est-ce la faim du début ou le début de la fin ?

Après Albert, c’est Sa Majesté des Huîtres qui part pour des lendemains plus bleus et des ciels qui chantent dans l’espoir d’augmenter la production perlière sur l’herbe verte du voisin.

Ca me fait vraiment mal de dire ça parce que quand même j’en ai bavé mais la pinctada Albertii me manque. Pas la Pinctada Inflata, faut pas pousser non plus. Il y en a eu de bien bonnes, que je vous propose de retrouver ici, histoire de se booster le moral les jours de pluie :

Néanmoins, les pinctadas n’étant pas rares, ma colonie ostréicole a de beaux jours devant elle. J’ai une belle huître qui grandit petit à petit pour laquelle je nourris de grands espoirs et j’attends une livraison fraîche d’un jour à l’autre. Je n’en connais pas encore l’espèce mais je soupçonne que ce sera à nouveau une Inflata. Point d’inquiétude donc, de nouvelles récoltes se préparent que je monterai avec plaisir en pendants d’oreilles ou en colliers pour vous en faire profiter, le malheur des uns faisant le bonheur des autres.

La suite très vite…


PS : J’étais quasi HS en écrivant, j’ai déjà rectifié trois coquilles. Encore deux et il me faudra admettre que l’état de pinctada est potentiellement contagieux… N’hésitez pas à me le signaler (je suis sûre qu’il en est qui s’en feront un malin plaisir) 🙂

Chimère

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Le vent a acquis un rythme, presque une énergie et une vie propre. Luttant dans le blizzard, la Louve ouvre la marche, oreilles et museau fixés vers l’objectif. Derrière elle la Vouivre s’épuise, son feu-dragon impuissant contre le froid mordant, ses ailes une gêne dans le vent violent. L’Enfant-de-la-mer, louveteau à la fourrure en lames de métal suit, tête pendante et laisse des traces sanglantes sur la glace.

Mûs par un instinct têtu, ils avancent, cherchant ce qui donne vie à ce maléfice. Y a-t-il quelque part un coq en colère dont le battement d’ailes déplace les nuages ? Un magicien jaloux soufflant sur la maison des trois petits cochons ? Une falaise au bord du monde, Extrême Amont ?

Ils marchent, parcourent la moitié d’un monde, puis l’autre. Ils marchent encore et le vent souffle toujours. L’Enfant-de-la-mer a grandit, sa fourrure de métal-rasoir devenue armure d’argent, avec à son côté, la langue acérée de l’épée de vérité. Le vent les enveloppe, tourbillonne et accumule les tempêtes sur [itg-tooltip tooltip-content= »<p>Non, ce n’est pas une faute d’orthographe. Oui, ils sont trois et oui, il n’y a pourtant qu’une tête. Le narrateur n’est pas biologiste mais il a obtenu son certificat en narrativium.</p> »]leur tête[/itg-tooltip].

Alors qu’ils sont à bout de force, les voilà devant une bête monstrueuse. Gueule de loup, crocs acérés, son souffle charrie des lames de glace. Campée sur un torse d’homme et des jambes gainées d’acier, elle brandit un glaive jetant des étincelles bleutées. Dans son dos, une paire d’ailes cuirassées fait l’ouragan qui les meurtri. Devant la terrible vision, Louve découvre ses crocs, l’Enfant-de-la-mer brandit l’épée et la Vouivre rassemble ses forces pour un assaut désespéré. Mais la bête menaçante leur semble familière et dans la main du guerrier, l’épée de vérité refuse de bouger. La glace devant eux forme un miroir parfait. La Louve s’apaise et la bête ouvre sa gueule grand pour bailler. Le guerrier range l’épée et la bête s’assied. La Vouivre replie ses ailes et soudain la bête disparaît. Louve-Vouivre-Guerrier se love dans un creux abrité, yeux de braise fermés. Tas de fourrure mêlée, avec dessous, rien d’autre qu’une femme endormie. Elle émerge lentement de l’océan agité par Morphée. De son filet s’échappent des rêves scintillants : elle passera la journée à chercher la Muse qui la fuit.

Pour une fois ce n’est pas l’art qui m’a inspiré le texte mais plutôt le texte qui appelait cette illustration. Non non, ç’a été écrit devant une énième statue de jeune fille censée représenter la moisson ou que sais-je, au Louvre. Courser la Muse m’a juste emmenée très très loin. Encore.

Elle vient puis va à son gré, la Muse. Je l’apprivoise petit à petit, je sais ce qui lui plaît. Elle aime la compagnie avant tout, la solitude semble lui peser. Elle aime les offrandes aussi, déesse exigeante qui réclame les mets les plus raffinés. Le Louvre est son temple préféré, encore qu’elle ne dédaigne pas pointer son museau de chatte curieuse dans les lieux les plus incongrus. Peut-être est-elle là, toujours, à s’égosiller dans mes oreilles sourdes. Il est vrai que sa voix fluette, ténue, est difficile à ouïr dans le vacarme constant de mes pensées turbulentes.

Faire entendre cette petite voix, ça n’est parfois que faire taire tout le reste, comme tenter de distinguer le tintement cristallin du triangle quand les cordes et les cuivres se disputent au premier rang. C’est la voix de la fillette qui chantonne en dansant, dans la cour, tout près de l’avenue, dans le bruit des klaxons et des ronflements de moteur.

C’est le goût d’une larme qui tombe dans un verre de vin.

Aujourd’hui, Muse me fuit.

Ecrit au Louvre en compagnie de ♥Saba le 12 X 2016, jour de panne

Intérieur d’église, effet de nuit

Comme d’habitude, j’avais bâclé la messe du matin. La prêtrise n’avait rien d’une vocation, surtout lorsque je devais accomplir cette corvée quotidienne aux petites heures du matin. A cette heure-là mon seul public était le boulanger et les vieux, insomniaques. Les beaux jeunes gens ne venaient qu’aux vêpres où je n’étais pas autorisé à officier, et où je ne pouvais donc pas voir l’assemblée, ce qui aurait été ma consolation.

Je traînais dans la nef, peu pressé de rejoindre le presbytère où une corvée de plus m’attendait : écrire le sermon du curé. Ha ! Je n’étais pas assez bon pour récolter les lauriers mais je l’étais bien assez pour faire le boulot pour lui ! Je préparais ma vengeance subtilement en glissant régulièrement des allusions dans ses sermons à côté desquelles sa cervelle épaisse passait sans frémir et qui le moment venu le décrédibiliseraient totalement. En attendant, le prochain évangile parlait de vol et de mensonge et j’avais l’intention de placer quelques phrases bien senties pour dénoncer l’exploitation qu’il faisait de mes talents. Il ne me relisait jamais de toutes façons, persuadé qu’il était de son bon droit et de ma coopération servile. Je ricanais déjà : soit il lirait devant l’assemblée l’aveu de sa paresse, soit il se rendrait compte de ce qu’il disait et il serait bon pour bafouiller et quitter la chaire sans oser finir de peur que la suite ne soit pire.

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La Danse et l’Ombre

La musique est un simple rythme à présent, les musiciens ont abandonné l’un après l’autre d’épuisement. Je sens ma concentration faiblir, mes muscles trembler. Notre survie est en jeu, comme ça l’est maintenant chaque fois. L’enjeu devrait être écrasant mais ça ne m’impressionne plus. L’Ombre vient, menaçante, d’indicibles horreurs inconnues cachées en son sein et la Danse la fait disparaître comme un mauvais rêve à la lumière du matin. Entrer dans L’Ombre produit d’étranges effets. Disparitions, folie, difformités, mort pour les chanceux. À chaque venue elle est plus dense, plus étendue et reste plus longtemps. Par chance elle ne vient qu’ici, dans le temple et seulement de nuit. Personne ne se souvient d’une époque où ce n’était pas le cas et il me semble parfois qu’elle nous a toujours accompagnés. L’Ombre et la Danse qui l’exorcise. Continue reading « La Danse et l’Ombre »